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Fausse-double quelque part au début de BOY
par Elorah Connil
pour Biennale Exemplaires 2019

 

 

 

À propos de
Boy
de : Sarah Vadé

Éditeur
Tombolo Presses

Année
2017

Format
20,5 × 27cm

Nombre de pages
400

ISBN 
979-1-096155-04-0

Imprimeur 
Printall (Tallin)

Conception graphique 
Sarah Vadé
 

Fausse-double-page quelque part au début de BOY. 

 

Sur la page-de-gauche, dans une atmosphère très vermillon, une main verse une boisson claire depuis une petite bouteille en verre brun, dans un verre large et bas, contenant une montagne de glaçons. Le fond de l’image est rouge, de même que le textile – sorte de nappe aux mailles serrées – sur lequel le verre est posé, tout proche du bord et du vertige. 

 

Sur la page-de-droite, comme en lévitation dans un espace blanc immaculé et non identifiable, un autre verre engage le dialogue. Sur-élevé par un petit pied court, il recueille dans son espace-contenant une image : un homme dans un canoë-canadien-rouge, vermillon, sur un plan d’eau, entre une lisière boisée et une chute d’eau, tout proche du bord et du vertige. 

 

Au fantasme des grands espaces glacés, l’autre répond illusion du vertige. 

 

Choc-double-images en son centre.

 

Sur la page-de-gauche, un intérieur de voiture, sièges blancs en cuir et tableau de bord noir&brillant, avec en fond le paysage de ce qui semble être un grand Nord qu’accompagnent glaciers et pins. Intérieur/extérieur : les vitres de l’automobile paraissent absentes, et les plans semblent se confondre. Le volant de la voiture – grand et rond et finement dessiné, que la portière ouverte nous invite à estimer – semble appeler l’observateur : challenge et frein à main. Enfin, c’est ce que semble penser l’homme sur la page-de-droite, cigarette tout juste allumée aux lèvres, le regard jugeant et concentré. 

 

Deux-images-confrontées vers la fin de BOY

 

Sur la page-de-droite cette fois-ci, un motard tout de cuir vêtu, ensemble noir avec bandes rouges&blanches le long des côtés, démarre en trombe-et-fumée une Hondanimale : rutilante et agressive. Casque sur la tête et poignets vissés sur l’accélérateur, son pied décolle déjà du sol goudronné; il braque sa roue avant vers cette femme sur la Page-de-gauche, abandonnée dans la stature d’une Sainte Thérèse en ensemble indigo, dont la jupe s’ouvre en éventail - assise sur un pot de terre sans fleurs dans une ville ensoleillée. Soleil brûlant et enivrement mécanique. 

 

Et s’en suit, pour chaque double-page du livre BOY, des dialogues, parfois des disputes, et parfois des poèmes.

 

         BOY 

semble au premier abord muet avec sa couverture blanche, ne portant que son nom, 

         BOY, 

trônant en capitales dans une mécane noire et épaisse. 

On pourrait presque y apercevoir le fantôme PLAY-

         BOY.

 

Comme un double errant, que les pages du livre essayent sans cesse d’évoquer.

 

Une absence, un couple brisé, un chagrin nostalgique, une page-blanche de rupture. 

 

Un silence de plomb et de sérif avec l’écho lointain d’une revue calée sous le bras, qu’on cache un peu, quand on marche dans la rue. 

 

Pourtant, alors même qu’au sein dans ses pages peu de formes textuelles sont présentes, les images-pictures que l’on découvre là l’effeuillage semblent parler à voix haute, vanter leurs charmes et exalter leurs formes. Dans une série de narrations visuelles bruyantes de couleurs et de textures, BOY nous plonge dans les représentations normatives d’un idéal de vie et de désir masculin, naissant dans les années 1960 et s’aventurant jusqu’au XXIe siècle. 

 

Et toutes ces pages observées, orphelines de folio, deviennent une forme de rythmique euphonique, dans laquelle aucun repère, aucune orientation n’est possible. Car la voiture-intérieur-cuir devient motif plus que sujet photographique, et est repris au fil des pages, sous diverses formes et couleurs, s’hybridant au travers des multiples modèles automobiles dont rêvent les lecteurs de PLAYBOY. Et il en va de même pour la bouteille d’alcool, les ceintures en cuir, les cow-BOYs, les appareils technologiques; et les femmes. 

 

BOY-CLUB 

propose les meilleures illusions, sur de beaux papiers glacés et brillants. 

 

Une iconothèque du parfait Play-BOY, complétant une vie idéale, à glisser dans une étagère en bois verni. 

 

Le Club du meilleur PLAY-BOY, pour lecteur oisif en quête de désinvolture. 

 

Ephemera mesurant 19,8 cm de longueur sur 8,1 cm de largeur, trouvé dans Le pilote, d’Édouard Peisson, 1937, édité par le Club français du livre (CFL) en 1950. 

 

Le CFL, fondé en 1946 se poursuivra jusque dans les années 1980, avec pour but premier de reconstituer comme une « bibliothèque idéale de l’honnête-homme », qui après la guerre devient un axe de reconstruction culturelle pour le pays.

 

 

 

ouvrage(s) club de comparaison :

 


 

Édouard Peisson, Le pilote, CFL, 1950.